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Histoire des lignes de tramways dans la Sarthe - Ecrit par Au fil du Zoom

Histoire des lignes de tramways dans le département de la Sarthe - Ecrit par Au fil du Zoom

Tramway à vapeur Saint-Germain d'Arcé
Tramway à vapeur Saint-Germain d'Arcé

Dès le milieu du 19e s., le Mans apparaît comme un nœud ferroviaire. Seulement, le train ne dessert que les préfectures, mais laisse de côté certaines villes sarthoises comme la Flèche, Mamers ou Saint-Calais ainsi que la totalité de la campagne.

Pour faciliter l’ensemble des déplacements des Sarthois mais aussi des marchandises, de la campagne vers les villes, un réseau de tramways, appelé aussi chemin de fer secondaire ou chemin de fer sur route, est créé entre 1882 et 1922 sous l’impulsion du Président du Conseil Général d’alors le Ministre des Finances Joseph Caillaux qui n’hésitait pas à déclarer face aux septiques : « C’est un outil intermédiaire, de même qu’entre la brouette et la voiture suspendue il y a la charrette ; et la charrette, ne l’oubliez pas, est déjà un gros progrès ». Pour des raisons de praticités, mais aussi d’économies, ces voies sont installées le long des routes, parfois dessus tout simplement. Elles sont d’une largeur étroite, 1 mètre, appelées de ce fait « voies métriques ». Les règles de circulation sont simples, une seule voie, le croisement de convois se fait uniquement en gare sur une voie d’évitement. Le réseau sarthois obéissait à une règle simple celle des 3 x 15 : des rails de 15kg/m, des locomotives de 15 tonnes et une vitesse moyenne de 15km/h. Le convoi se composait d’une locomotive à vapeur, d’un fourgon pour le charbon et de différents wagons fermés pour les voyageurs (1ère et 2ème classes), couverts pour les bestiaux et plats pour les récoltes (pommes de terre, chanvre, céréales, légumes, pommes vers les cidreries, produits semi-industriels de la verrerie de la Pierre à Coudrecieux). En moyenne, 100 000 tonnes de marchandises par an ont été convoyées. Pour chaque convoi, le personnel était toujours au nombre de trois : le conducteur qui était aux commandes de la locomotive, le receveur qui encaissait le prix des billets et le mécanicien qui remplissait la chaudière de charbon. Le Conseil Général cédera l’exploitation des lignes à une société privée la Compagnie des tramways à vapeur de la Sarthe.

Le réseau des tramways de la Sarthe formait une étoile à cinq branches avec les cinq lignes principales qui partaient toutes de la gare de tramways à vapeur du Mans-les Halles située le long de la Sarthe. La première ligne à être inaugurée le 06 février 1882, ce fût celle qui partait du dépôt de la gare de Montbizot vers l’usine Chappée. C’était la plus courte (3 km) et la dernière à être fermée le 01 mai 1969. Ces cinq lignes permettaient aux Sarthois de se rendre via le Mans : à Saint-Jean-sur-Erve, à la Chartre-sur-le-Loir, à Mayet, à Mamers et à Marigné. Deux autres lignes permettaient de rejoindre Montbizot à la Fonderie Chappée et à Ballon et de faire le Grand-Lucé jusqu’à Saint-Calais.

 

Sur chaque ligne, à chaque arrêt, se trouvaient différentes infrastructures, toutes identiques. Une gare qui offrait un abri couvert pour les voyageurs, mais ouvert sur l’extérieur. Un petit bureau, fermé, pour la receveuse ou le receveur. Il y avait également un réservoir d’eau pour les chaudières des locomotives. Une voie directe où les trams circulaient, une voie de manœuvre et de croisement. Par la suite, une plaque tournante sera installée dans chaque gare ce qui permettra de supprimer un des deux postes de conduite, rentabilité oblige.

Ancienne gare de tramway à Requeil
Ancienne gare de tramway à Requeil

Bien que le relief de la Sarthe ne soit pas trop accidenté, il existait des sections de voies propre afin de contourner le relief ou de franchir des rivières. Certaines de ces sections comportaient des ouvrages d’art tous construits par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Louis Harel de la Noël (1852-1931). Les deux ouvrages les plus importants furent la gare du Mans les Halles, inaugurée le 8 septembre 1898 et démolie en 1955 et le fameux pont en X, de renommée nationale (médaille d’or lors de l’exposition universelle de 1900), construit en 1898 et dynamité par les Allemands le 8 août 1944. Ce pont exceptionnel, qui enjambait la Sarthe au niveau de la percée, permettait aux tramways urbains électriques N°3 et aux tramways départementaux à vapeur de se croiser sans jamais rouler sur la même voie. Sur le réseau, il laissa son empreinte dans l’originalité de ses bâtiments en briques et métal, la gare de la Ferté-Bernard en est un exemple significatif, qualifié à l’époque « d’architecture nougat » à cause de ses décors polychromes en brique très caractéristiques de ses réalisations. Il est également l’auteur du viaduc en béton armé de Saint-Georges-le-Gaultier aux dimensions impressionnantes pour l’époque (150 m de long pour 33 m de haut). Il réalisa aussi, les ponts identiques d’Allonnes (détruit) et de Fillé, les viaducs métalliques de la Tuilerie à Loué et de Déhault (tous deux détruits). Il fit percer des tunnels pour traverser le relief et implanta les différentes petites et moyennes gares disséminées dans la campagne sarthoise dont il ne subsiste que très peu de vestiges aujourd’hui (Requeil, Saint-Saturnin…). En 1922, le département de la Sarthe comptait 430 km de voies de tramways.

Pour bien comprendre l’enjeu de ce moyen de transport, prenons l’exemple de la ligne Le Mans – Mayet (49 km) et la gare de Requeil. Le 13 septembre 1897, le premier tramway arrive en gare de Requeil à 8h06. Les passagers qui souhaitaient se rendre soit au Mans (à 34 km), soit à Mayet (à 15 km) attendaient dans cet abri conçu pour accueillir les âmes et les colis. Le premier train passait à 6h18 en direction du Mans, pour une durée de voyage de 1h55 à la vitesse de 30km/h pour un prix du billet de 2 Frs (1ère classe) ou bien de 1.50 Frs (en 2ème classe) tarifs mai 1914. Il desservait les villes du Mans, Allonnes, Spay, Fillé, Guécélard, Parigné-le-Pôlin, Foulletourte, Oizé, Yvré-le-Polin, Requeil, Mansigné, Pontvallain, Mayet. Il y avait 3 trains par jour pour aller au Mans (6h18, 10h02, 16h09) constitués de voitures et de wagons. Les locomotives étaient à vapeur, la 51 s'appelait "la Foulletourte" et la 53 "la Pontvallain". Cette nouvelle cohabitation n’a pas toujours été facile avec les usagers de la route comme on peut le lire dans la rubrique des faits divers des journaux de l’époque : « Requeil : accident, M. Heurteloup, cultivateur à Mansigné, se rendait en voiture le 19 courant à Requeil Sur la route, son cheval ayant eu peur du tramway à vapeur, M. Heurteloup voulut descendre pour le maîtriser, mais à ce moment, il s’embarrassa les jambes dans les guides et tomba si malheureusement sur la roule qu’il se brisa une jambe en deux endroits (l’Union libérale, 23 juillet 1903, p3/4) autre exemple, arrivé au lieu-dit la Blanchardière : « Voiture et tramway, une voiture dans laquelle se trouvait M. Sarcé, conseiller général, a été tamponnée à la Blanchardière par le tramway à vapeur, le cheval effrayé par le convoi avait reculé sur la voie. Il n’y a eu heureusement que des dégâts matériels à déplorer (l’Union libérale, 19 novembre 1905, p 4/4). Le dernier train de cette ligne passa le 1 juillet 1935.

Exploité pendant 87 années, le réseau de la Compagnie des tramways à vapeur de la Sarthe doit s’incliner face à l’augmentation croissante du trafic routier. Les cars Citroën et les voitures personnelles ont gagné sur ce mode de transport. A partir des années 1920, le trafic des voyageurs va décliner. Sous l’Occupation allemande lors de la dernière guerre, quelques lignes toujours en état vont reprendre du service pour pallier les restrictions que connaissent les Sarthois durant cette sombre période. La dernière ligne de voyageurs à fermer a été celle du Mans - le Grand-Lucé le 1 mars 1947. Un petit tronçon continuera jusqu’en 1969 pour transporter les produits de la fonderie Chappée.

Au fil du Zoom

Sources : Maine découvertes, n°11, déc 1996-fév 1997 ; Municipalité de Requeil ; journaux de l'époque ; office du tourisme de la Ferté-Bernard ; office du tourisme de la Chartre-sur-le-Loir ; Wikipédia ; Forum routes et rails ; blog de la gare de tramway de Saint-Denis d'Orques ; Journal officiel de la République française, 10 mai 1939 ;