La Fosse Beauregard à Chenu, demeure du fondateur de l'UNICEF le Docteur Rajchman, par Au fil du Zoom
La Fosse Beauregard à Chenu, était la demeure du Docteur Ludwik Rajchman (1881-1965), bactériologiste polonais, fondateur et premier président de l’UNICEF en 1946-1950.
Adolescents, lui et sa sœur, prennent conscience, qu’il existe des injustices sociales dans leur Pologne natale qui est sous l’emprise des Tsars de Russie en cette fin du 19e s. Il va militer au Parti socialiste, tout en poursuivant ses études de médecine à l’université Jagellone à Cracovie, dans le même lieu que Copernic et Jean-Paul II à des époques différentes. Il y rencontrera sa femme [1]. Le Docteur Rajchman se spécialisera dans la bactériologie et il partira pour Paris, dans les années 1910, afin de compléter son doctorat à l’Institut Pasteur. Par la suite, il sera recruté par un important laboratoire londonien. Ludwik Rajchman, sa femme et ses trois enfants vont séjourner durant la Première Guerre mondiale à Londres. En 1918, la guerre à peine terminée, il retourne en Pologne qu’il retrouve ravagée. Il va mettre tout en œuvre pour combattre les différentes épidémies qui touchent les Polonais en créant l’Institut central d’épidémiologie de Varsovie en 1919[2]. De son efficacité et sa persévérance à lutter contre le typhus, il sera considéré comme l’instigateur du cordon sanitaire qui a empêché la propagation de cette maladie vers l’Ouest[3]. Impressionnés, les Britanniques vont appuyer, en 1921, sa candidature comme directeur de la section hygiène, l’ancêtre de l’OMS, de la SDN (Société des Nations). Grâce à des liens avec la fondation Rockefeller, Ludwik Rajchman va mettre en place, en 1922, des écoles de santé publique sur le continent européen.
C’est alors, qu’une passion va naître pour la Chine laquelle va faire basculer sa carrière. On est en 1929, lors d’un séjour dans ce pays, il va devenir proche de T.V. Soong, beau-frère de Tchang Kaï Chek (président de la République de Chine) qui est alors ministre de l’Economie Chinoise. Il comprend qu’il y a une corrélation entre améliorations économiques et santé publique. Il avance de plus en plus l’idée d’une collaboration internationale. Mais l’attaque du Japon sur la Mandchourie va réveiller en lui son anti-impérialisme et il va se porter comme un défenseur acharné de la Chine. Mais dans une Europe où les fascismes mussolinien, hitlérien et stalinien se font entendre de plus en plus, la direction de la SDN va démettre Ludwik Rajchman de ses fonctions sous le prétexte qu’il a perdu sa neutralité. Il quitte ses fonctions en 1939.
Se trouvant sans emploi, il revient en France, dans la Sarthe, à Chenu où il a acheté en 1938 une ancienne métairie, la Fosse Beauregard qui a été transformée en maison bourgeoise à la fin du 19e s. [4] Nous sommes au début de la Seconde Guerre mondiale, et la famille Rajchman assiste impuissante à l’annexion de la Pologne et à l’Occupation de la France par l’Allemagne Nazie. En 1940, il obtient du Président du Gouvernement polonais en exil à Angers une option pour quitter la France. Il sera nommé responsable des réfugiés polonais par le Premier ministre polonais en exil, le Général Sikorski qui lui confie une lettre à remettre au Président Roosevelt demandant l’aide des Etats-Unis. En possession d’un passeport diplomatique, les Rajchman vont quitter Chenu en passant par l’Espagne et le Portugal en 1940 puis ils traverseront l’Atlantique. Il était temps car le docteur Ludwik Rajchman figurait sur la liste noire de la Gestapo depuis 1937 ![5]
[6]. Quelques mois après, le 11 décembre 1946, l’UNICEF est créée par une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies[7], « Son but et d’assister l’enfance sans distinctions de race, d’origine, de religion ou d’opinions politiques, dans des pays victimes de l’agression ainsi que ceux précédemment assistés par les secours massifs de l’UNRRA. »[8] Ludwik Rajchman en sera le président jusqu’en 1950.
En pleine Guerre froide aux Etats-Unis, les investigations de l’administration maccarthyste vont lui reprocher ses liens avec la Pologne communiste (son pays natal). Il quittera définitivement les Etats-Unis pour s’installer à la Fosse Beauregard à Chenu jusqu’à sa mort en 1965. Il sera inhumé au cimetière communal de Chenu en présence de Régis Debré et Jean Monnet, ses amis[9].
Ecrit par Au fil du Zoom
[1] Wikipédia et Institut Polonais Paris
[2] Association des Médecins Israélites de France - AMIF
[3] Marta Aleksandra Balinska, Une vie pour l’humanitaire, Paris, 1995
[4] Patrimoines des Pays de la Loire, Toulier Christine, Abriat Natacha, 2008
[5] Marta Aleksandra Balinska, Une vie pour l’humanitaire, Paris, 1995
[6] Virginie Hoarau, Ludwik Rajchman, ce médecin polonais et fondateur de l’UNICEF, Humanium, 2014
[7] L’UNICEF à 75 ans, unicef.org
[8] La Croix, 27 septembre 1947
[9] Ouest-France, juillet 2013